O Mon Pays
De Lise Maussion et Damien Mongin
Cie Pôle Nord
Avec Lise Maussion, Damien Mongin/ Yellow Flight et Guillaume
Thermet
Il y a d'abord CDI : Sandrine, la destinée d'une trieuse de verre puis CDD : Chacal ou l'autoroute doit être interrompue ; deux pièces créées et interprétées par Lise Maussion et Damien Mongin et présentées dans le diptyque O mon pays.
L'histoire de Sandrine nous plonge dans le quotidien d'une trieuse de verre.
La répétition mécanique des gestes, le bruit assourdissant, la monotonie...mais un nouveau voisin débarque.
Rien d'extraordinaire dans cet événement, à part peut-être que la jeune femme va commencer à mettre des mots sur cette sensation d'être "trempée de l'intérieur".
Les deux acolytes réussissent le tour de force d'amener le spectateur à regarder cette pièce
comme il verrait un film. En effet, on ressort de la salle avec la même impression que devant
certains films français, satire sociale juste et terrifiante. La dérive lente et quasi imperceptible de cette jeune fille colle à la peau du spectateur autant qu'à ses vêtements à elle. Le propos est intelligent et finement amené. On se demande souvent où ils veulent en venir et on ressort avec une réponse évidente, pas martelée dans le cerveau, mais subtilement logée dans le fond du bide. On souligne donc l'avant-gardisme de la mise en scène, lente et profonde, parsemée de moments géniaux, comme la scène de la discothèque où les personnages se parlent sur une musique trop forte et que le spectateur ne les entend pas.
Vient ensuite la seconde partie du diptyque, qui nous embarque cette fois dans la vie d'un jeune ouvrier de chantier, ses collègues, sa femme enceinte au téléphone, ses soirées seul dans un hôtel... Damien Mongin est seul sur scène, il parle et interagit avec des personnages absents. Il mime des machines qui n'existent que par le son qu'elles produisent. Cette fois on ressort interloqué. La mise en scène est tellement tranchée qu'on a du mal à dire si on a aimé ou complètement décroché. Les scènes géniales sont pourtant au rendez-vous (la scène du feu où le comédien mime d'asperger la scène entière d'essence et de craquer une allumette, quand on se retrouve dans le noir avec le bruit crépitant des flammes), mais on adhère moins facilement.
Pourtant le talent de cette seconde partie est de revenir dans les esprits après coup, quelques jours plus tard et de continuer à tarauder les méninges. Alors si on hésite entre coup de bluff ou coup de génie, on finit quand même par pencher pour la deuxième solution.
Anne-Sophie Dionot