4.48 Psychose

Publié le par nouvellesrepliques

De Sarah Kane

Avec Valérie Marinese et François Godart - Mise en scène Valérie Marinese

 

Théâtre des Ateliers

Du 12 au 24 mars - Lyon

 

 

Que faire face à un texte-limite tel que 4.48 Psychose ? Comment porter à la scène cette chronique d’une mort annoncée, écrite l’année du suicide de Sarah Kane ?

Le parti pris de Valérie Marinese, metteure en scène et actrice, est clair : elle s’identifie à la voix de l’auteure, lui donne corps, se fond complètement en elle. Elle veut faire entendre la « violence impudique » du texte de Kane. Nous voilà donc immergés dans une masse de colère, de tristesse et de désespoir. Mais, et c’est sans là doute tout l’intérêt du texte et de sa mise en scène, cette détresse immense n’est pas dénuée d’une certaine distance. Comme si la souffrance insoutenable du présent se contemplait d’outre-tombe, où toute douleur est abolie. Le spectacle réussit cette gageure de nous montrer à la fois l’individu en état d’urgence, luttant pied à pied pour sa vie, et la voix post mortem, déjà plus d’ici, terriblement consciente de son incapacité à exister.

 

sarah kane                                                                                    Crédit photo David Anémian

 

Valérie Marinese incarne une femme rongée par l’absence, se détachant d’elle-même dans un cri. Le corps est éminemment vivant, emporté dans une course chaotique vers l’abîme : il se débat, saute, gesticule, se mutile, il embrasse aussi, et danse. Il danse avec le psychiatre, soutient illusoire auquel il s’agrippe comme a une bouée. Dans le regard de cet autre, la patiente se contemple presque en souriant. Elle ironise avec noirceur sur l’image qu’elle renvoie. La question de l’apparence est au cœur du spectacle : que faire d’un corps détesté ? Comment faire aimer aux autres ce que nous ne supportons pas nous-mêmes ?

L’Autre est à la fois l’espoir d’une rémission – celui qui, par sa reconnaissance et son amour, réintégrera le personnage dans son propre corps et dans le corps social – et le miroir cruel d’une femme en déshérence. La relation impossible de soi aux autres se construit sur scène avec le psychiatre et le public. Entre nécessité et rejet, les scènes collectives sont particulièrement réussies, construisant d’éphémères simulacres de convivialité et d’échange.

 

Alors que tout est déjà perdu, Kane « chante sans espoir sur la frontière ». Le spectacle est une ode au courage et à la beauté de cette écriture, à la nécessité de ne pas s’en aller sans rien dire et de creuser en soi pour expliquer pourquoi l’on n’a pas pu rester. Aimer ce chant, le faire entendre et comprendre, c’est sans doute exaucer le dernier souhait formulé dans 4.48 Psychose : « s’il vous plaît levez le rideau ».

 

 

 

Julie Briand

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