Les Cancans - Carlo Goldoni

Publié le par nouvellesrepliques

Traduction et adaptation : Dorine Hollier

Production : Léo Théâtre

Avec : Aurélie Bargème, Adèle Bernier, Emmanuel Curtil, Laure Guillem, Jean-François Guilliet, Marine Lecoq, Michel Lagueyrie, Marie-Christine Letort, Jean-Pierre Malignon, Clément Moreau, Stéphane Olivié Bisson et Stéphanie Vicat - Mise en scène de Stéphane Cottin

 

 

Du 1er mai au 10 juin

Théâtre 13 / Jardin, 103 A bvd Auguste Blanqui, Paris 13ème

 

            À l’instar des pièces de Molière ou de Feydeau, les comédies de Carlo Goldoni, dont le rythme est endiablé et le propos acerbe, nécessitent une véritable efficacité de la mise en scène. Le défi est donc, pour un metteur en scène, de restituer sur le plateau cette dynamique de la narration comique tout en rendant compte de la dimension subversive de la fable.

            Défi tenu par Stéphane Cottin qui présente pour la première fois une pièce du répertoire  classique, « Les Cancans », écrite entre 1750 et 1751 par le dramaturge italien. À Venise, deux amoureux, Checchina et Beppo, sont sur le point de se marier. Mais leur mariage va être menacé par les fameux « cancans » du titre, qui, chuchotés d’une oreille à l’autre par de « charmantes » voisines, font courir la rumeur jusqu’à Beppo : Checchina ne serait pas la fille de son père. Cette dernière, discréditée par les on-dit des honnêtes gens, se retrouve la victime illégitime d’une mécanique aussi drôle qu’elle est impitoyable. La jeune fiancée, au sens propre comme au figuré, court à sa perte.

            Servies par un dispositif scénographique ingénieux qui met en lumière les faux-semblants de la comédie, les scènes de commérage s’enchaînent dans un rythme effréné, créant ainsi un sentiment de malaise qui grandit au fur et à mesure que l’information calomnieuse se propage. On entrevoit alors les conséquences catastrophiques que peuvent susciter de tels racontars.

 

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            Et si les costumes années 50 et le rock’n roll donnent un aspect joyeux au tout, Stéphane Cottin, comme Goldoni, n’épargne personne ; la gent féminine, évidemment, en prend pour son grade : qu’elles soient d’origine modeste ou bourgeoises (plus raffinées mais non moins méchantes), les femmes sont ici présentées comme des créatures cruelles et envieuses, même s’il est intéressant de constater que dans un monde dominé par la tradition patriarcale, les cancans et les lazzis semblent être un moyen pour les femmes d’exister. Les hommes, eux, ne sont pas en reste : ils apparaissent lâches et manipulables, tel Beppo qui préfère, pour se protéger, mettre en doute la parole de sa promise plutôt que celle de ses voisines. Sous des dehors plaisants donc, l’auteur et le metteur en scène nous dévoilent un monde conformiste et hypocrite. Le racisme est latent, comme le prouvent les scènes où l’on raille le vendeur de cacahuètes arménien, ou celle, très noire, où le fat Lélio (« qui n’est pas de chez nous ! » répètent en chœur les voisines) et Checchina sont accusés de s’être compromis dans une auberge.

            Mais comme toujours dans les comédies, tout est bien qui finit bien : le père biologique de la jeune fille, marchand respectable, revient très opportunément à Venise, les mégères sont confondues et le couple peut enfin convoler en justes noces.

            La ronde des personnages est très bien menée et les acteurs, vifs et légèrement ironiques, connaissent parfaitement leurs partitions. Mentions spéciales à Aurélie Bargème et Laure Guillem, très convaincantes dans le rôle des pétulantes rombières.

                  Un divertissement qui tient ses promesses, donc.

 

                                                                                                                                                                                           Lucie Lalande

 

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